Il y a dans l’art de Jim Drouet une manière douce, patiente, presque silencieuse, de faire ressurgir de notre mémoire des instants qui, sans lui, se seraient sans doute dissipés à jamais. Ses tableaux sont comme des pauses visuelles dans le flux de la vie. Des moments suspendus, baignés de lumière, où le regard prend le temps de respirer.

Né en 1961, diplômé des Beaux-Arts d’Angoulême et récompensé par de nombreux prix durant son parcours académique, Jean-Marie Drouet dit Jim Drouet n’a pourtant pas immédiatement suivi le chemin de l’atelier. Drouet a d’abord exploré le langage du visuel à travers la publicité, qu’il a exercée pendant plus de dix-sept ans. Une école du rythme, de l’image pensée, du message condensé. Mais, c’est à la quarantaine venue, que Jim décide de tout quitter pour revenir au geste fondamental : peindre. Ce n’était pas un choix impulsif, mais une nécessité. Une manière de reprendre possession du temps. De retrouver un regard personnel sur le monde.

L’artiste s’installe alors sur la côte atlantique, en Vendée. Là, entre mer et pins, Jim Drouet construit une œuvre au souffle clair. Chaque toile est nourrie par ce paysage de lumière changeante, par cette vibration propre aux bords de mer, où les contrastes se révèlent sans brusquerie. C’est dans cet environnement que naît un univers visuel à la fois intime et universel.

Jim Drouet est daltonien. Un fait souvent évoqué, mais qui ne dit pas tout. Car plutôt que de le restreindre, cette particularité l’a amené à développer une attention aiguë aux valeurs : clairs et foncés, densités, intensités. Il ne peint pas en couleurs, il peint en lumière. Il compose avec les équilibres chromatiques comme un musicien joue des silences. Le bleu devient vibration, l’orange une chaleur sourde, les ombres découpent l’espace comme autant de respirations. Ce rapport sensible à la lumière donne aux œuvres de Drouet une présence immédiate, une clarté lumineuse qui attire l’œil tout en l’apaisant.

La technique suit cette exigence. Jim Drouet travaille principalement à l’huile, par aplats, avec des brosses plates. Il privilégie un geste net, presque graphique, mais jamais rigide. Le peintre cherche l’équilibre entre structure et douceur, entre composition construite et émotion spontanée. Chaque tableau de Drouet commence par des esquisses, des croquis, des prises de vues photographiques. Il ne reproduit pas : il réinvente. Il extrait l’essentiel. Il recrée une atmosphère, une tension, un souvenir sensoriel.

Ce qui traverse toute son œuvre, c’est l’attachement à l’instant. L’instant fragile, éphémère, quotidien – mais qui, sous son regard, devient durable. Un parasol planté dans le sable, un télésiège orange suspendu dans le ciel, une femme de dos avec un sac rouge à l’épaule, des enfants dans l’eau, des cabines alignées. Rien d’extraordinaire et pourtant, tout est là. Ce sont des images que l’on croyait avoir oubliées, mais qui, sur ses toiles, reprennent vie avec une clarté troublante. Jim Drouet ne peint pas la mer : il peint l’impression qu’elle laisse en nous. Il ne saisit pas un instant précis mais la sensation qui lui survit.

Les influences sont là, discrètes mais assumées. Edward Hopper bien sûr, pour cette manière de cadrer, de dire beaucoup avec peu. Mais aussi N.C. Wyeth, Bernie Fuchs, ou encore l’univers photographique et cinématographique – pour cette tension entre immobilité et narration. Les toiles de Jim Drouet semblent contenir une histoire, sans jamais la dévoiler totalement. Il nous laisse y projeter la nôtre.

Son œuvre rencontre aujourd’hui un écho croissant. Les peintures de Jim Drouet sont régulièrement exposées à des foires majeures : Art Up Lille, Art Fair Stockholm, Amsterdam, Londres ou encore New York, confirmant ainsi son statut d’artiste établi à l’internationale. Certaines de ses séries marquent particulièrement les esprits : Télécabines, aux accents nostalgiques et flottants, Floating People, où les corps semblent détachés du sol et du temps, ou encore Beach Bags, instantanés d’élégance anodine et familière. À chaque fois, c’est le même souffle : capter ce que nous avons vécu sans le nommer, offrir une image à ce qui nous traverse.

Jim Drouet ne peint pas pour impressionner. Il peint pour faire vibrer. Il n’élève pas la voix, il suggère. Il ne raconte pas, il évoque. Et c’est peut-être là, dans cette économie de moyens, dans cette précision sans dureté, que se joue toute la beauté de son travail. Il nous parle du temps, de la lumière, de l’humain – sans discours. Juste avec des images. Mais des images qui restent, qui habitent, et qui réconcilient.