L’Atlas, figure magnétique du street art contemporain, porte dans son nom un souffle d’aventure et une promesse d’exploration. Né Jules Dedet Granel en 1978, il déploie très tôt ses premières ébauches dans les ruelles de Paris, traçant des signes comme d’autres tracent des cartes. Adolescent, L’Atlas ne se contentait pas de dessiner : il cartographiait déjà des territoires invisibles, à la recherche d’un langage propre, où les lettres deviendraient formes et les formes, des constellations.

Mais Paris n’était qu’un point de départ. Animé par une soif d’érudition presque mystique, L’Atlas s’envole vers le Maroc, l’Égypte et la Syrie. Dans ces contrées baignées par des millénaires de culture calligraphique, il plonge dans l’écriture koufique, une discipline où chaque trait est porteur d’une intention, où chaque courbe raconte un monde. Le peintre français s’imprègne de cet art, mais loin de se laisser enfermer, il le détourne et le réinvente. Métissant les rigueurs de l’alphabétisation latine et la richesse graphique des formes arabes, il invente une esthétique à la fois ancrée et universelle.

Les œuvres de L’Atlas sont des labyrinthes. Pas seulement au sens figuré : elles sont des invitations à s’égarer, des structures qui absorbent le regard, le troublent, le guident sans jamais vraiment le libérer. Dans ses noirs et blancs, dans les contrastes éclatants et les lignes rigoureuses, chaque détail semble éviter la complaisance. On avance dans ses compositions comme dans un rêve où la logique s’effondre : tout est clair, et pourtant insaisissable. Ces labyrinthes, comme autant de signatures, rappellent que l’art, pour L’Atlas, est une aventure spirituelle autant que plastique.

Les rues, les places publiques, les murs ordinaires deviennent des toiles monumentales pour l’artiste. En 2008, L’Atlas marque les esprits avec une rose des vents gigantesque tracée au sol devant le Centre Pompidou à Paris. Cette création, qui s’étale comme une étoile au cœur de la ville, n’est pas seulement une performance : c’est un acte de communion, une manière de relier les passants à un art qui leur parle directement, sans intermédiaire. Pourtant, L’Atlas ne se réduit pas à l’espace urbain ou au street art. Son travail voyage, investissant les institutions les plus prestigieuses. Du Palais de Tokyo au Grand Palais à Paris, jusqu’aux musées internationaux de Moscou, Pékin ou Dubaï, ses toiles déploient leur géométrie envoûtante, conservant cette énergie brute qui naît dans la rue.

L’Atlas fait de la création un terrain d’échange et de collaboration. Avec Perrier, il métamorphose les bouteilles en objets d’art, fusionnant op art et pop art dans ce qu’il nomme le « Poptic’art ». Aux côtés d’Agnès B., ses aplats graphiques se déploient sur des tissus, établissant un lien entre style vestimentaire et art contemporain. Chaque projet porte sa signature unique, cette alliance subtile entre accessibilité et sophistication.

Derrière chaque ligne tracée par L’Atlas, il y a une idée, une vision. Son travail, loin d’être purement esthétique, interroge. Qu’est-ce que le langage ? Jusqu’où peut-on lire avant que la lecture ne devienne contemplation ? Ses labyrinthes, énigmes modernes, révèlent une obsession pour l’équilibre fragile entre l’ordre et l’inconnu, entre ce que l’on peut saisir et ce qui nous échappe.